Decay of Media Narratives
Je ne sais plus vraiment de quelle manière j'appris que la silhouette apparaissant sur Pink Dot était Rambo - soit par multiples visionnages, soit par internet – toujours est-il qu'il est bien amoché le pauvre (et que l'on ne se moque pas de son faciès déjà éprouvé), et que ce fait n'a pas été choisi par hasard. Je parlais de chyme en décrivant l'oeuvre Untitled (Pink Dot) bien avant de parler d'océan. Digérée par l'écran, la silhouette perd toute sa force identitaire, elle n'est même plus une ombre mais simplement une forme qui en est devenue une autre. À mesure que le héros progresse dans l'espace digital, il s'efface, il n'est plus qu'un amas de pixel, une image qui a perdu toute sa qualité.
C'est ce dont parle Hito Steyerl dans son article « In Defense of the Poor Image » 1, elle définit l'image de basse qualité comme : « a copy in motion. » Et ajoute « Its quality is bad, its resolution substandard. As it accelerates, it deteriorates. It is a ghost of an image, a preview, a thumbnail, an errant idea, an itinerant image distributed for free, squeezed through slow digital connections, compressed, reproduced, ripped, remixed, as well as copied and pasted into other channels of distribution » 2. Expliquant son existence, Steyerl fait le lien entre la capitalisation croissante de la production d'image par le cinéma notamment qui est comparé à un « flagship store », et le développement incontrôlé du trafic de médias culturels sur le web, provoquant une détérioration du média lui-même (compressions répétées, manipulations visuelles et sonores, transferts etc... ).
Utilisé et ré-utilisé, Rambo s'est vu engloutir par la vague internet et ses utilisateurs, et c'est ce que me donne à voir Pink Dot.
C'est ce dont parle Hito Steyerl dans son article « In Defense of the Poor Image » 1, elle définit l'image de basse qualité comme : « a copy in motion. » Et ajoute « Its quality is bad, its resolution substandard. As it accelerates, it deteriorates. It is a ghost of an image, a preview, a thumbnail, an errant idea, an itinerant image distributed for free, squeezed through slow digital connections, compressed, reproduced, ripped, remixed, as well as copied and pasted into other channels of distribution » 2. Expliquant son existence, Steyerl fait le lien entre la capitalisation croissante de la production d'image par le cinéma notamment qui est comparé à un « flagship store », et le développement incontrôlé du trafic de médias culturels sur le web, provoquant une détérioration du média lui-même (compressions répétées, manipulations visuelles et sonores, transferts etc... ).
Utilisé et ré-utilisé, Rambo s'est vu engloutir par la vague internet et ses utilisateurs, et c'est ce que me donne à voir Pink Dot.
Hito Steyerl, HOW NOT TO BE SEEN A Fucking Didactic Educational Mov.file, 2013. Collection Van Abbemuseum, Eindhoven
« In flagship stores high-end products are marketed in an upscale environment. More affordable derivatives of the same images circulate as DVDs, on broadcast television or online, as poor images […] At present, there are at least twenty torrents of Chris Marker’s film essays available online […] Blurred AVI files of half-forgotten masterpieces are exchanged on semi-secret P2P platforms. Clandestine cell-phone videos smuggled out of museums are broadcast on YouTube. DVDs of artists’ viewing copies are bartered. » 3
Et pas seulement les films d’artistes, toute œuvre (vidéos, écrits, photographies etc.) qui plaît peut être possédée et chaque spectateur peut se la réapproprier par de nouveaux formats en dehors du circuit officiel. Dans le marais de Pink Dot, Rambo s’est noyé, sa durée de vie (« life span of images» 4) a été consumée.
« The poor image is no longer about the real thing—the originary original. Instead, it is about its own real conditions of existence: about swarm circulation, digital dispersion, fractured and flexible temporalities. It is about defiance and appropriation just as it is about conformism and exploitation. In short: it is about reality. » 5
Dépeignant le fonctionnement de la machine dans laquelle elle progresse, l’image pauvre démontre son caractère structuraliste, son existence entière est induite d’un usage, tout son sens se trouve dans le procédé. Je trouve une vraie beauté dans le structuralisme car le résultat produit est le pur fruit d’un rouage et non d’un artifice, il ne peut mentir.
La forme et l’esthétique de l’image pauvre sont le résultat des comportements de consommation culturelle sur Internet, elle est un artefact de cette consommation, son expression formelle. C’est ce qui lui donne cette éloquence; produit de notre utilisation des médias, elle donne un témoignage au travers de ses stigmates.
La forme et l’esthétique de l’image pauvre sont le résultat des comportements de consommation culturelle sur Internet, elle est un artefact de cette consommation, son expression formelle. C’est ce qui lui donne cette éloquence; produit de notre utilisation des médias, elle donne un témoignage au travers de ses stigmates.
Stan Brakhage, The Dante Quartet, 1987, film 16 mm couleur et peinture, 6'06'', Collection Lux, Londres
« They loose matter to gain speed » 6
Cette phrase m'a permis d'établir le lien entre Pink Dot et la théorie d'Hito Steyerl, dans cette idée que je nourris d'une nouvelle picturalité qui affirmerait une qualité autre que la matière. Cette qualité serait basée sur les caractéristiques inhérentes à la substance considérée : ici, le numérique. Et ici, la forme n'a pas de poids physique, n'a pas d'épaisseur comme les empâtements d'un tableau, mais est douée de mouvement, de son, et d'un déroulement dans le temps. Cette forme vit dans un monde aux règles fondamentalement différentes du monde physique que nous connaissons et dans lequel nous vivons. Ces images de basse qualité donc, ont un ordre esthétique propre à leur milieu et peuvent selon moi poser des questions sur la peinture comme celle de la profondeur et de ce que l'on donne à voir au spectateur ; et un ordre politique, car elles (d)énoncent le système dans lequel elles existent. Le paradoxe emprunt d'une certaine poésie, se trouve dans le fait qu'elles perdent en matière mais gagne en contenu.
L'image pauvre - l'image pixelisée - donne à penser.