La vidéo n'arrête pas le temps, elle le déroule
« Le temps est la matière première du film et de la vidéo. La mécanique peut en être des caméras, de la pellicule et des cassettes, ce que l'on travaille, c'est du temps. On crée des événements qui vont se déplier […]
et cela constitue l'expérience d'un déroulement. » 1
et cela constitue l'expérience d'un déroulement. » 1
J'ai toujours été fascinée par les travaux de Bill Viola : The Reflecting Pool, The Veiling, Tristan's Ascension, A Portrait in Light and Heat, autant d'oeuvres que je perçois comme des tentatives de révéler la matière vidéo, Viola peint des tableaux en vidéo. Au-delà de la dimension spirituelle de son travail et des silhouettes qui passent à l'écran, la prégnance des éléments qu'il filme est saisissante.
Dans les années quatre-vingt, Viola expérimentait le procédé filmique et construisait des machines pour en « montrer toutes les lignes et les formes » 2. Dans The Reflecting Pool et A portrait in Light and Heat toutes deux produites en 1979, on peut voir une recherche des limites d'enregistrement et de montage de l'époque. Utilisant ces limites dans une visée allégorique, ces actions d'arrêter, répéter, superposer révèlent le mécanisme du film et la physicalité de ce l'on voit dans son dispositif. En soi, c'est une démarche structuraliste qui ramène l'image à sa réalité, à savoir l’objet sur lequel elle est imprimée (pellicule, cassette, DVD, encodage, photographie etc.)
Bill Viola, The Reflecting Pool, 1979, vidéo couleur et son, 7', Collection Art Institute, Chicago
Aujourd’hui la technologie numérique permet à Viola de les rendre sur-réalistes, dans Tristan's Ascension (2005) l'eau est toute proche de nous, car l'image trompe si bien notre œil que notre immersion en son sein est poignante.
Vidéo amateur de l'installation Tristan's Ascension à l'exposition Bill Viola au Grand Palais en mai 2014
Mais ce qui nous plonge de manière encore plus forte dans l’expérience des tableaux numériques est la présence du son fourni par les enceintes de la machine qui visionne ou projette. En plus de voir des images défilant devant nos yeux définissant un contexte narratif, nous pouvons entendre, et le sens de l’ouïe ainsi convoqué, nous recevons plus d’informations pour formuler un cadre, un contexte d’expérience. Le son omniprésent dans Pink Dot qui accompagne le visuel dans son crescendo hypnotisant mobilise un sens de plus. C’est cette mobilisation accrue de nos capacités perceptives qui fait que la vidéo apporte une nouvelle capacité au pictural, celle d’enrichir notre aptitude à vivre un moment proposé par l’œuvre d’art.
Également, pionnier de l’art vidéo, Viola apporte à mon sens une nouvelle dimension à la narration d’un tableau, cette capacité à s’étendre dans le temps. La narration n’est plus fixée par la composition d’une image-scène, comme un tableau de maître dont les lignes de force, les jeux de lumière, premiers et arrières plans, joue sur la lecture globale de la scène, et de la manière la plus (chrono)logique qui soit. Cette disposition induit une hiérarchie des signes et symboles dans une image, en quoi les choses doivent être lues ainsi et non autrement au risque de n’être pas comprises.
Également, pionnier de l’art vidéo, Viola apporte à mon sens une nouvelle dimension à la narration d’un tableau, cette capacité à s’étendre dans le temps. La narration n’est plus fixée par la composition d’une image-scène, comme un tableau de maître dont les lignes de force, les jeux de lumière, premiers et arrières plans, joue sur la lecture globale de la scène, et de la manière la plus (chrono)logique qui soit. Cette disposition induit une hiérarchie des signes et symboles dans une image, en quoi les choses doivent être lues ainsi et non autrement au risque de n’être pas comprises.
Eugène Delacroix, Les massacres de Scio, 1824, huile sur toile, Musée du Louvre, Paris
Alors que cette capacité qu’offre la vidéo expérimentale à s’étendre sans limite dans le temps, par sa dimension libre d’évolution narrative (évolutivité?), accorde au regardeur une lecture plus naturelle des éléments, moins dogmatique. On se promène, notamment dans l’image, mais également dans son mouvement et son déroulement.
Je me suis tournée vers le travail de Bill Viola pour ces deux aspects : le son et la temporalité, qui caractérisent à mon sens les apports de la vidéo à la démarche du peintre. Je perçois ses œuvres comme des exemples probants du potentiel pictural de ce médium aujourd'hui omniprésent.
Je voulais également parler de la dernière œuvre citée plus haut, The Veiling (1995), traduit « Les voiles », car elle est une proposition de rematérialisation de la vidéo - rendre visible la matérialité – en la rendant palpable dans l'espace par les voiles qui captent la projection.
La vidéo n'est pas sans matière, juste une matière nouvelle à appréhender.
Une substance aux outils différents avec sa propre sémiotique.
Je me suis tournée vers le travail de Bill Viola pour ces deux aspects : le son et la temporalité, qui caractérisent à mon sens les apports de la vidéo à la démarche du peintre. Je perçois ses œuvres comme des exemples probants du potentiel pictural de ce médium aujourd'hui omniprésent.
Je voulais également parler de la dernière œuvre citée plus haut, The Veiling (1995), traduit « Les voiles », car elle est une proposition de rematérialisation de la vidéo - rendre visible la matérialité – en la rendant palpable dans l'espace par les voiles qui captent la projection.
La vidéo n'est pas sans matière, juste une matière nouvelle à appréhender.
Une substance aux outils différents avec sa propre sémiotique.
« Il ne scet rien qui ne va hors » 3