Culture de l'indistinction, le marais de Takeshi
« Lorsqu'il est devenu impossible de séparer un film du phénomène de masse qu'il est devenu, lorsqu'un héros de celluloïd est devenu un emblème à tout faire […] [il est] débarrassé de son aura, et redevient ce qu’il avait commencé par être : des images et des sons parmi d’autres images et d’autres sons. » 1
Les années quatre-vingt ont vu naître de nouvelles stratégies culturelles. Le cinéma fut le fer de lance de cette nouvelle économie, produisant des héros facilement appropriables par le public, fervent consommateur, qui gagne à regrouper toutes les classes sociales aujourd’hui. Ce « flagship store » comme le décrit Hito Steyerl dans son texte « In Defense of the Poor Image » a instauré une capitalisation croissante des produits culturels, en ne posant plus la question « ˝est-ce bon ?˝ ni même ˝est-ce original ?˝, mais "est-ce que ça se vend ?" » 2
Le « flagship store » de Steyerl équivaut au « Mégastore » dont parle John Seabrook, journaliste au New Yorker, dans son livre Nobrow: the Culture of Marketing, the Marketing of Culture 3. Grâce aux écrits d’Hal Foster, historien et critique d’art, dans «Vers l’indistinction», j’ai pu aborder l'idée amenée par Seabrook que les industries culturelles produisent des marchandises consommables par tous en mélangeant les symboles culturels existants, qu'ils soient « low » ou «high », effaçant progressivement la frontière entre culture des élites et culture populaire menant à ce qu'il appelle un état d' « indistinction ».
À cela s'ajoute Internet, et nous. Nous avons la possibilité de nous accaparer encore plus intensément les données culturelles comme Rambo. Nous pouvons downloader, linker, sharer ; l'appropriation en réseau engendre une encore plus grande confusion de la notion d'original.
Le « flagship store » de Steyerl équivaut au « Mégastore » dont parle John Seabrook, journaliste au New Yorker, dans son livre Nobrow: the Culture of Marketing, the Marketing of Culture 3. Grâce aux écrits d’Hal Foster, historien et critique d’art, dans «Vers l’indistinction», j’ai pu aborder l'idée amenée par Seabrook que les industries culturelles produisent des marchandises consommables par tous en mélangeant les symboles culturels existants, qu'ils soient « low » ou «high », effaçant progressivement la frontière entre culture des élites et culture populaire menant à ce qu'il appelle un état d' « indistinction ».
À cela s'ajoute Internet, et nous. Nous avons la possibilité de nous accaparer encore plus intensément les données culturelles comme Rambo. Nous pouvons downloader, linker, sharer ; l'appropriation en réseau engendre une encore plus grande confusion de la notion d'original.
La valeur d'une image n'est plus liée à sa provenance mais au phénomène nouveau du « Buzz », enfant du web qui connecte, «mélange d’agitation et d’excitation» 4 qui rythme la vie internet avec une cadence de plus en plus effrénée.
Le web permet bien des choses et tout peut y germer selon le bon-vouloir des internautes. Ce que je trouve amusant, c'est la manière dont vivent les tendances et comment elles sont évacuées, ce que les regardeurs en gardent, et comment chaque chose qui est mise en lumière est finalement ramenée à la même échelle que les autres, sous l'enseigne du Buzz. Maestro :
« Elles ont débarqué l’été dernier sur les fils d’actualité de nos réseaux sociaux comme l’avaient fait avant elles déjà cette perruche musicienne ou cet iguane qui fait caca dans une baignoire : les trois filles de L.E.J et leur vidéo virale Summer 2015. » 5
définition : « Le marketing viral est un mode de promotion d’une offre commerciale ou marketing par lequel ce sont les destinataires de l’offre ou message qui vont assurer l’essentiel de sa diffusion finale en le recommandant à des proches ou collègues. Dans le cadre du marketing viral, l’offre se diffuse comme un virus, d’où le terme de marketing viral. Lors d’une vraie campagne de marketing viral réussie, l’essentiel de l’exposition obtenue par un message ou une offre ne provient pas d’un achat d’espace publicitaire mais du phénomène de recommandation ou bouche à oreille. La recommandation virale peut être spontanée en fonction de la valeur utile, de l’originalité ou du caractère humoristique du message, ou parfois rémunérée à travers un système de parrainage. » 6
définition : « Le marketing viral est un mode de promotion d’une offre commerciale ou marketing par lequel ce sont les destinataires de l’offre ou message qui vont assurer l’essentiel de sa diffusion finale en le recommandant à des proches ou collègues. Dans le cadre du marketing viral, l’offre se diffuse comme un virus, d’où le terme de marketing viral. Lors d’une vraie campagne de marketing viral réussie, l’essentiel de l’exposition obtenue par un message ou une offre ne provient pas d’un achat d’espace publicitaire mais du phénomène de recommandation ou bouche à oreille. La recommandation virale peut être spontanée en fonction de la valeur utile, de l’originalité ou du caractère humoristique du message, ou parfois rémunérée à travers un système de parrainage. » 6
« Comme toutes les vidéos virales, elle m’a été envoyée par l’une de mes anciennes camarades de classe avec lesquelles je ne reste en contact que pour contempler ses photos de vacances en famille quand j’ai un coup dans le nez. Et comme souvent, j’ai zappé après une trentaine de secondes : sarouels, dreads, violoncelle, le mot « medley » — avant même le début de la chanson, tous mes canaux sensoriels étaient en alerte Vigipirate rouge. » 7
Marie Klock est pigiste pour des magazines en lignes comme Noisey Vice ou Brain Magazine. Malgré son ton légèrement graveleux qui parfois caractérise un peu trop les écrits de Vice, son point de vue caustique m'a éclairé sur mon propre désaccord avec ce que les L.E.J, prononcé « Elijay », réalisent dans cette vidéo.
« Sans aucun discernement, les L.E.J font se juxtaposer Stromae et Kendji Girac, tout se retrouve nivelé dans un joli contrepoint vocal, à la manière des bouses insipides dont nous gratifie à intervalles réguliers The Avener avec ses « reworks deep house de sons vintage » (sic) qui couvrent indifféremment du même kick doucereux John Lee Hooker et n*grandjean pour en faire du gros son vendable sur iTunes. Conséquence de cette insupportable suprématie de la forme sur le fond : toutes les chansons deviennent interchangeables et constituent au mieux une passable musique d’ameublement qui habillera à merveille vos apéritifs dînatoires et vous donnera la pêche quand, le samedi matin, vous passerez la serpillière dans vos chiottes. » 8
Passé le langage virulent, les L.E.J sont rhabillées et on peut également avancer le fait qu'elles n'ont « rien à signaler en terme de message, porteuses de bonne humeur, elles ne revendiquent rien » 9. Il est donc simple de plaire au plus grand nombre, mais à quel prix pour le contenu ?
Rambo est réapproprié dans Pink Dot mais garde son identité car il s'agit bien de parler d'elle. Sa perdition au cours de la pièce vidéo porte l'étendard de cette réalité qui montre comment une figure illustre devient informe à mesure qu'elle est reprise et sortie de son contexte d'existence. L’appropriation répétée réduit l’espérance de vie d'un média.
Le phénomène d’appropriation n’est pas nouveau, en soi il est présent dans toute réalisation, car on est inspiré que par ce qui a déjà été fait. C’est un cycle permanent de la création et un contenu culturel est toujours remis au goût du jour, ou tombe dans l’oubli avec le temps.
Que l’on soit clair, ces filles ont tout à fait le droit de se filmer en train de chanter et de le montrer. Elles font parties de leur temps, et il n’y a rien de mal à ce qu’elles font en soi. La source de mon énervement ne se trouve pas directement dans la performance de ces trois nombrils chevelus qui ont de la technique ; mais d’avantage dans ce qu’elles induisent par leur action d’avoir effacer l’originalité de chaque musique qu’elles se sont accaparées. Ce type d’action est un véritable phénomène de l’économie culturelle aujourd’hui, à savoir la réappropriation de contenus créatifs (musiques, images etc.) pour en faire du bien vendable sous toutes les formes. L’intérêt ne se trouve plus dans leur valeur culturelle mais leur valeur économique, peut-on encore parler de culture alors ?
Et c’est de cet amoindrissement que Marie Clock et Hal Foster parlent dans leurs écrits, avec différents tons je le concède.
Cette réappropriation là est dangereuse, car elle est creuse.
C’est comme un mirage, on court pour rejoindre l’oasis, mais vous connaissez la suite.